Traduit par Thomas Piard
Comment choisir la Meilleure Canne de Tenkara ? C’est une question récurrente, mais à laquelle il est très difficile de répondre, j’espère que cet article vous y aidera en vous donnant:
- Un examen « zéro conn*ries » des cannes Tenkara modernes (avec les caractéristiques de modèles et marques particulières)
- Anatomie d’une canne de Tenkara (comme elles sont réduites au strict minimum, chaque composant a un gros impact sur le produit final)
- Guide des actions des cannes de Tenkara (il est parfois difficile de séparer mentalement « action » de « raideur » !)
- Conseils pour tester les cannes (et de l’aide pour interpréter les tests faits par les autres !)
- Infos sur le développement des cannes à travers les âges (ce qui aide à comprendre les cannes récentes)
Vous pouvez cliquer sur chacun des liens ci-dessus et être envoyés directement à la partie de l’article concernée. Mais le meilleur moyen pour comprendre les informations successives est de commencer par le début…
Tout d’abord, une déclaration préliminaire : Ceci est écrit comme un examen zéro conn*ries à propos des éléments utiles que j’ai trouvé sur les cannes de Tenkara, pendant des recherches menées (principalement) pour mon propre bénéfice. Si cela peut vous être d’une quelconque utilité, je me dois d’être direct et honnête avec vous. Il n’y a aucun avantage à surévaluer quelque-chose que vous considérerez plus tard comme une perte de temps. Un autre problème commun dans le petit monde du Tenkara est celui d’être bien trop poli pour citer les grosses références.
Cela ne vous aiderait pas à vous décider pour le bon achat lorsque vous aurez besoin d’une nouvelle canne. Soyez tranquilles, je vais citer des marques qui ne nous portent pas vraiment dans leur coeurs (ils ne nous pisseraient sûrement pas dessus si on était en feu…) et je vais malgré tout vous donner une description favorable de leurs cannes si elles le méritent. En même temps, nous avons de toute évidence un intérêt personnel manifeste lorsqu’il s’agit de nos propres cannes Karasu, et je préfère mentionner cet intérêt tout de suite.
De la même manière, lorsque je parle de larges tendances dans la fabrication à travers différents pays, c’est une description stricte de facteurs, pas une descente en flamme de ceux faisant des choix différents des notres, et parfaitement légitimes pour leur propre marque ou business. Au-delà de ça, si je donne mon opinion à propos de personnes, d’évènements, ou encore de produits, cela ne reste que ça : mon opinion honnête, au moins pour autant que je puisse l’exprimer dans une page écrite. Parce que mes connaissances et mes opinions peuvent changer en fonction de nouvelles informations, je vais mettre à jour cette page régulièrement pour refléter cette évolution. Ceci étant dit, allons-y:
Développement des cannes de Tenkara
Cannes en bambou
Depuis la page « Tenkara : toute la vérité », vous savez déjà que les pêcheurs de Tenkara professionnels originaux utilisaient des tiges de bambou brutes, d’une seule pièce. Pour acquérir les avantages d’une canne plus longue, une poignée relativement longue et lourde faisait office de contrepoids (un point sur lequel on reviendra plus tard !). Les cannes utilisées par Shigeo Yamada en sont un fantastique exemple – le père de Yamada San (Kazuyuki Yamada) qui dirige actuellement l’auberge appelée Shuzanso à Akiyamago. Depuis des dizaines d’années, Shigeo Yamada était renommé comme le Shokuryoshi le plus compétent de la région du Mont Naeba. La longue poignée qu’il utilisait était rangée soigneusement comme un élément de son équipement de pêche. La poignée était astucieusement percée à un diamètre spécifique, et de multiples cannes de bambou étaient coupées de façon à ce que la poignée puisse les accepter. De cette façon, Il pouvait dissimuler des cannes de rechange divers endroits autour de ses zones de pêches préférées, et – si jamais il cassait une canne – il n’était pas obligé de rentrer chez lui, mais récupérait une canne de remplacement cachée, et la plaçait dans la cavité de sa chère poignée pour continuer à pêcher.
Des gens que nous avons interviewé (comme Shōichi Saitō et Kazuyuki Yamada) – ainsi que des informations récoltées au musée alpin Omachi – tout concours à montrer que les cannes monobrins étaient le choix le plus commun pour les Shokuryoshi professionnels. Mais il n’est pas surprenant qu’il ait existé des adaptations pratiques de la part de professionnels comme Bunpei Sonehara, qui pêcha la rivière Kurobe comme Shokuryoshi jusqu’aux années 1960. Sonehara-san avait apparemment créé pour certaines de ses cannes des emmanchements en utilisant des feuilles de métal venant de boîtes de conserves. Evidemment, cela les rendait plus simple à ranger et à transporter que les cannes d’une seule pièce, plus communes. Bien entendu, Sonehara-san pêchait à l’ère moderne, où il était possible de recycler des pièces métalliques peu chères.
Assez ironiquement, une des plus vieilles méthodes de fabrication de cannes du Japon (la tradition du « wazao »), est devenu la plus récente forme des cannes de Tenkara. L’énorme effort demandé pour produire de telles cannes en wazao les rendait BEAUCOUP TROP chères pour les Shokuryoshi. Ces superbes cannes multibrins sont décorées et protégées avec de l’«urushi » (la sève de l’arbre Toxicodendron vernicifluum, qui a le même principe actif que le chêne vénéneux). La sève d’«urushi » traitée se transforme en un vernis transparent, flexible, et ressemblant pratiquement à un film plastique lorsqu’elle est exposée à l’humidité. On y ajoute parfois des pigments pour faire une « laque d’urushi » en guise de vernis (par exemple, de la poudre de fer pour faire un urushi noir). Ne touchez pas à la sève d’urushi non traitée avec votre peau – à moins que vous n’aimiez avoir de féroces irritations sur tout votre corps, et même de possibles complications fatales avec vos poumons si vous la respirez (les artisans du wazao développaient apparemment une tolérance depuis l’enfance !). Les cannes de wazao sont des chef-d’œuvre, et prennent de nombreux mois à produire. Les cannes en graphite avec des vernis polyuréthane peuvent être vues comme un clin d’œil à cette méthode traditionnelle de protection et de décoration.
Bien que le wazao ait été produit pendant des siècles pour un large spectre de méthode de pêche, c’est seulement depuis l’essor du Tenkara comme loisir (et plus comme technique survivaliste) qu’ils peuvent désormais être produits pour les afficionados du Tenkara. Comme pour chaque wazao, il est essentiel que le fabricant ait une excellente compréhension à la fois des méthodes de pêche et des espèces de poissons visées pour produire une canne parfaite.
Auparavant, il n’y avait aucune raison qu’un fabricant de wazao (une sorte de « shokunin », un artisan fabricant) apprenne le Tenkara. Mais aujourd’hui, avec la compréhension que nous avons de ce qui fait une courbe idéale, l’équilibre et les profils de récupération pour le Tenkara, les fabricants de wazao comme le « jeune rebelle », phénoménalement talentueux (dans sa cinquantaine aujourd’hui) Masayuki Yamano peuvent produire des cannes de Tenkara incroyables – de même que pour la pêche à la mouche, le casting, spinning, et des douzaines d’autres styles de pêche.
Le séchage correct du bambou est le point de départ principal de ce processus. Tous les fabricants « d’imitations », (que cela soit au Japon ou plus particulièrement en dehors du Japon) utilisent du bois qu’ils n’ont que depuis quelques années. Ceci rends leur cannes plus lourdes, et leur donne une tendance à la déformation après le traitement à haute température et le processus de redressement, à cause de la teneur en humidité. Yamano-san sèche son bambou AU MOINS dix ans avant d’envisager de faire une canne avec.
Il y a huit espèces de bambous différentes utilisées pour faire un wazao. Chaque espèce de bambou a ses propres caractéristiques. Typiquement, un wazao utilisera 3 à 5 espèces de bambou pour obtenir une action parfaite selon le style spécifique et le poisson ciblé. Les huit espèces sont : Hotei-chiku, Ya-dake, Kuro-dake, Ma-dake, Ha-chiku, Suzu-take, Marubushi-dake, Kan-chiku. Chaque section de la canne sera créée en fonction d’une sélection choisie de tiges de bambous de l’espèce avec la flexibilité adéquate, dans le diamètre et la conicité parfaite. Vous pouvez en apprendre beaucoup plus sur le site de Yamano-san à propos des wazao et de leur fabrication (une version anglaise verra bientôt le jour). Son travail est si intéressant que nous envisageons sérieusement de tourner un documentaire à ce sujet.
Cannes de Tenkara en fibre de verre et en graphite
La naissance du Tenkara en tant que hobby (avec Yamamoto Soseki implantant les compétences du Dr Fujimoto), généra des expérimentations avec des cannes en matériaux synthétiques. Beaucoup de pêcheurs de ces premiers temps, principalement dans la « première génération après Soseki » devaient expérimenter et créer leur propre équipement. Ceci s’exprimait souvent en utilisant des morceaux de différentes cannes – chacune destinée à une technique ou un style différent – et assemblés pour essayer d’obtenir une action qui fonctionnait pour le Tenkara.
Cette approche en mode « Frankenstein » qui consiste en un assemblage de pièces de cannes ayant les caractéristiques essentielles pour chaque section de la canne finale boucle un peu la boucle, finalement. Je dis ça, parce que c’est vraiment pratiquement la même approche que le processus du wazao, en sélectionnant la bonne pièce – de la bonne espèce – pour les différentes sections.
Une autre version originale de ce processus est que les principaux pêcheurs de Tenkara de l’ère moderne essayaient souvent des cannes qui étaient prévus pour d’autres styles de pêche – et fixaient dessus une poignée pour les transformer en cannes de Tenkara expérimentales. J’imagine que ça resvient un peu à un retour aux cannes monobrins en bambou et y fixer sa propre poignée ! La célèbre canne Daïwa Rinfu a été découverte ainsi. La Rinfu (dont la production est maintenant arrêtée) était une canne télescopique sans anneaux conçue pour un style de pêche japonais aux appâts (Myaku-zuri en japonais). Par chance, lorsqu’elle était adaptée sur une poignée adéquate, la Rinfu devenait une mythique canne pour les lignes légères et le Tenkara « honryu », légère comme une plume, de 4,5 m de long, et capable de lancer la fameuse ligne parallèle #3 en nylon. (NDT : cette ligne parallèle en nylon a fait couler beaucoup d’encre dans le microcosme du Tenkara et bien qu’elle ne soit nécessaire que dans certaines occasions très particulières, une canne capable de la lancer est considérée comme un must !)
Bien entendu, plus de nouveaux matériaux étaient publiés dans des livres et des magazines pour la joie du Tenkara en tant que hobby, plus les fabricants japonais ont commencé à augmenter le nombre de cannes spécifiques de Tenkara. Des marques aussi fameuses que Tenryu ou Gamakatsu sont des exemples notables (un peu plus à ce sujet plus bas !). Cependant, il existe aussi une histoire fantastique qui est presque inconnue à l’extérieur du Japon.
Le mystérieux Mr Abe
C’est l’histoire d’un artisan qui vient d’une lignée de fabricants de cannes en bambou qui s’étend sur trois siècles… Avec la venue du graphite, un membre de cette dynastie de fabricants de canne rompit avec la tradition des cannes en bambou, et consacra ses compétences à maîtriser la production de blanks en graphite. Les cannes de Tenkara qui en résultèrent prirent un statut légendaire. Son nom est Mr Abe, et les blanks en graphite produits en petites quantités dans la boutique familiale appelée « Nabeya », créèrent un culte auprès d’une bande de fans. L’élite des pêcheurs de Tenkara « connaisseurs » prennent toujours le volant pour une longue route à travers le Japon pour acheter un blank Nabeya. Par exemple, les cannes « Oni » originales de petite série utilisent un blank dessiné et produit par Nabeya (avec des poignées installées séparément par Masami Sakakibara). J’aime vraiment cette histoire d’une lignée familiale ininterrompue qui a suivi la transition entre le bambou et le graphite.
Maintenant que nous avons passé le point de transition au niveau des matériaux modernes, il est temps de se pencher sur l’expansion du Tenkara. La prochaine partie sera naturellement consacrée à la « fuite » du Tenkara à l’extérieur du Japon, qui nous mènera à une liste des marques principales.
Caractéristiques des marques de cannes de Tenkara
L’arrivée aux Etats Unis
L’histoire d’un jeune natif du Brésil de 26 ans, Daniel Galhardo, investissant ce qui doit avoir représenté deux cent mille dollars pour mettre en place un système de distribution global, et la fabrication à coût abordable de sa propre ligne de canne Tenkara est remarquable en soi. C’était un pari extrêmement risqué (qui incluait de quitter son job dans la finance internationale). Le scénario presque hollywoodien du Dr Ishigaki venant juste de donner aux USA la première démonstration de Tenkara au centre Catskill fly fishing au même moment (et donc les conseils sur les cannes et le tutorat de Tenkara) est aussi impressionnant.
Les premiers posts sur le blog de Daniel (avant de mettre en place le site et le blog de TUSA) sont débordants d’enthousiasme et de découvertes nouvelles à ce moment – ce qui je suppose exprimait particulièrement bien le sentiment d’aventure nouvelle. Comme beaucoup d’autres, ma première canne de Tenkara était fabriquée par Tenkara USA. C’est l’habileté de Daniel à trouver l’opportunité de répandre une version simplifiée de la pêche à la mouche – incluant les éléments attractifs de la culture japonaise du Tenkara) – qui a rendu familier le mot « Tenkara » dans le monde entier.
Je pense que la raison principale du succès de TUSA à exporter le Tenkara à l’extérieur du Japon repose sur le sourçage de produits abordables à grande échelle en Chine. De cette façon, le facteur-risque de l’essai d’un nouveau style de pêche était adouci par l’offre de prix attractifs pour les nouveaux clients. En même temps, les pièces de rechange pouvaient être approvisionnées sans imposer un trop grand surcoût au business.
TUSA a été construit en représentant les racines du Tenkara japonais suivant l’école du Dr Ishigaki. Dans cette école, l’emphase est mise sur l’accessibilité du Tenkara, et l’absence de complications ou autres barrières à l’utilisation. Bien que les produits soient sourcés en Chine, la cosmétique et le « look » des cannes TUSA sont souvent très fortement inspirées par le Japon (en exemple la sélection d’anciennes cannes japonaises représentées plus bas dont l’influence semble avoir été conséquente sur l’offre de TUSA). Ceci étant bien entendu corrélé au désir de présenter le Tenkara comme une activité japonaise
En terme d’action de pêche et de performance de lancer, les cannes de Tenkara USA se sont améliorées au fil du temps en suivant les conseils du Dr Ishigaki sur les modèles de départ. Les vaisseaux amiraux que sont les Sato et Rodho donnent à beaucoup de pêcheurs une introduction gérable à ce sport tant qu’elles restent pêchées avec des lignes parallèles en fluorocarbone dans des classes de ligne au-dessus de # 3 sur l’échelle japonaise (avec une zone de confort entre #3.5 et #4.5). La différence, en comparant avec les cannes premiums sera une tendance pour les Sato/Rodho à « sur-récupérer ». Les scions sont un peu plus raides que dans l’idéal, et ils font rebondir la canne au niveau de la poignée quand on lance. Cela rend aussi difficile le lancer de lignes parallèles plus légères que du fluorocarbone de #3 (mais ce n’est pas un inconvénient majeur pour les nouveaux venus au Tenkara). Les modèles les plus mous de la gamme TUSA ont plus de mal avec la récupération, et ont une forte tendance à rebondir. Au-delà de ça, leur large disponibilité et leur focus sur les premiers pas du Tenkara font que les cannes TUSA vont continuer à amener beaucoup de monde dans ce sport.
Tout en accompagnant Daniel dans un des premiers voyages de recherche au Japon, Chris Stewart prit un chemin différent de TUSA, en mettant en place TenkaraBum. Au lieu d’investir dans un marché à large échelle, et compétitif, TenkaraBum sourça des cannes faites au Japon ayant déjà une réputation, et les importa aux USA pour les vendre. La première canne qu’il importa fut une Daiwa Enshou en 2012. La punchline « le Tenkara est japonais : votre canne ne devrait-elle pas l’être » ? représente assez bien l’esprit de T-Bum
Les performances des cannes exotiques de T-Bum diffèrent des cannes « faites maison » de la compagnie TUSA en profitant de deux longueurs d’avance. Principalement le puit de savoir sur le Tenkara et la plus longue expérience de création de cannes des fabricants japonais. Ne pas être lié à une seule marque permet aussi à Chris de choisir librement parmi un large panel de compagnies et de modèles. Partant de là, il n’est pas possible de donner un exemple typique des cannes de T-Bum (à part dire qu’elles sont faites au Japon). Récemment, Chris a sourcé des cannes sous la marque T-Bum du japonais dissident Suntech (tout en vendant des cannes de la gamme Suntech)
Bien entendu, avec le mantra T-Bum « le Tenkara est japonais », Chris était un choix assez évident en tant que revendeur aux USA pour nos cannes premium « Karasu » faites au Japon. Donc, avec un sens aigu de nos propres intérêts, notre client Alan sur Discover Tenkara donne ses impressions sur les cannes Karasu 360 et 400 ici (et c’est quelque chose que nous n’avons pu mettre au point qu’à travers les compétences d’experts japonais tant en pêche du Tenkara qu’en fabrication de cannes spécifiquement conçues) :
Plus d’informations sur les caractéristiques et le nom peuvent être trouvées sur cette page : https://www.discovertenkara.com/karasu/
Dans l’ensemble, ce furent les deux approches différentes de Chris et Daniel qui ont boosté l’expansion globale du Tenkara (et les cannes qu’on utilise pour le pêcher). La mission du Dr Ishigaki de convertir 50% des pêcheurs de torrents de montage au Tenkara est toujours d’actualité, et en bonne santé avec TUSA.
Une fois que les compétences et le savoir d’un pêcheur a progressé au-delà des session occasionnelles (peut-être à l’occasion d’un camping, ou d’une randonnée à pied ou à vélo), il peut perpétuer son intérêt en cherchant des informations sur des techniques plus spécifiques et des cannes plus élaborées. Notre mission, chez DT, est de fournir ces informations sur les tactiques et la culture qui vont alimenter une passion éternelle pour le Tenkara (tout en vous fournissant le meilleur matériel pour assister votre technique).
Depuis que T-Bum/TUSA sont en place, de nombreuses marques de cannes et leurs revendeurs se sont fait connaître auprès du public « de l’Ouest ». Comme pour T-Bum/TUSA, il est globalement possible de les séparer en deux camps. Vous avez d’un côté les marques japonaises existantes et de l’autre vous avez les marques de l’ouest qui utilisent l’une d’un petit nombre d’entreprises de fabrication implantées en Chine. Il existe d’intéressantes exceptions – comme Shimano qui produit ses cannes en Chine ; mais leur façon de faire est de transférer une unité de production japonaise entière en Chine. De cette manière, ils peuvent reproduire très exactement leur process à la fois pour la fabrication et le contrôle de qualité (ils vont jusqu’à embaucher des superviseurs japonais pour surveiller la production). Grace à cela, les cannes Shimano sont pratiquement des productions japonaises.
Bien sûr, il est impossible de donner un aperçu de chaque modèle de chaque marque (tout au moins en donnant une opinion utile et informée). A la place, j’ai essayé de souligner une sélection de marque reconnues (sans ordre particulier) pour vous donner un petit goût basé sur mon expérience personnelle…
Tenryu
De longue date, cette marque japonaise a la réputation d’offrir des blanks de qualité exceptionnelle sous le président Miyoshi Shiozawa. Tenryu est présente pour de nombreuses techniques de pêche – y compris des cannes ultra douces pour le Tenkara qui incorporent un pourcentage précis de fibre de verre dans leur nappes de fibres de carbone pour produire une action soyeuse et douce. J’ai lancé avec leur Furaibo TF39, qui est une magnifique canne qui se démarque particulièrement avec les lignes parallèles les plus légères.
Elle est d’un rouge sanglant, presque couleur de voiture de pompier – donc elle se fait clairement remarquer en session ! En fait, une légère pression sur la poignée est suffisante pour charger la canne. Ce sentiment luxueux et les performances avec les lignes légères vont de pair avec tarif réellement élevé.
Tenkara Rod Co.
Démarrée aux USA, avec un marketing très bien fait et un SEO (NDT : Search Engine Oriented, méthode pour que les moteurs de recherche vous référencent mieux, et que vous soyez en tête de page dans Google ou autre) défiant toute concurrence. Tapez « cannes de Tenkara » dans Google, et leur site apparaîtra loin au-dessus de tous les acteurs les plus anciens. J’ai pêché avec leur modèle « sawtooth », et il donnait une impression très consistante, et faite pour lancer des lignes lourdes. Ils ont pénétré le marché avec force, suite à une campagne de levée de fonds collaborative, et un site web très bien designé et optimisé. Ils ont aussi été très actifs pour trouver des distributeurs qui incluent des coffee shop et d’autres repères pour la jeunesse, car les pêcheurs US de Tenkara sont généralement plus jeunes que ceux au moulinet.
Avec des blanks abordables aux finitions voyantes, ils présentent un attrait pour l’attitude « tout est Tenkara », en offrant un kit de pêche à la mouche portable (un autre bon point pour la pêche de randonnée). Il n’y a pas de véritable raison pour Tenkara Rod Co. de rechercher ou représenter les origines, la culture, ou des techniques spécifiques pour le Tenkara – et je suppose qu’ils sont parfaitement à l’aise avec le genre « pêche à la mouche avec une ligne fixe » (NDT : il y a eu une vraie lutte entre les tenants du Tenkara « pur », pêche de torrent de montagne japonaise, et les tenant du Tenkara « outil », pratiquant partout cette méthode, notamment en mer ou en lac, pour savoir si il était possible de parler de Tenkara pour autre chose que la première méthode…)
Gamakatsu
C’est une marque japonaise très intéressante quand elle est évaluée à côté d’autres cannes de haute qualité et super technique destinées au lancer de lignes légères, privilégiées par les plus techniques des pêcheurs de Tenkara moderne. Gamakatsu en prend le contrepied complet, et fabrique des blanks de très haute qualité, très puissants, qui sont un choix irrésistible pour les pêcheurs de Tenkara qui ont un passé de shokuryoshi professionnel (en d’autres termes des gens dont le métier est de tuer et préparer des poissons). Ils sont aussi privilégiés par les pêcheurs de l’extrême – comme le chef-testeur des cannes Gamakatsu Kobayashi-san – qui va poursuivre des salmonidés migrateurs dans de terrifiants cours d’eau furieux.
C’est parce qu’ils sont très puissants et (pour des cannes de Tenkara) très raides – deux caractéristiques qu’une canne « outil de survie » devrait avoir. Cette raideur est aussi bien adaptée pour les lignes en crin de cheval qui sont souvent préférées par les Shokuryoshi – par exemple, deux pêcheurs que nous connaissons et qui ont grandi dans cette tradition préfèrent tous les deux les cannes Gamakatsu et les lignes en crin de cheval (Hirata-san et Yamada-san). Leur puissance est essentielle pour rapidement amener le poisson sur la berge et le préparer, puis le ranger dans un panier – de même que pour manipuler de longues (et parfois délibérément chargées d’eau) lignes en crin de cheval. De la même manière, l’excellente qualité et le design signifie que cette puissance pour aussi être utilisée pour capturer de gros poissons dans de puissants courants (comme cette énorme truite fario non native du Japon) prise par Kobayashi-san à l’été 2017).
Attention : une canne « raide » ne veut pas forcément dire une canne « robuste » ou « puissante » – et Gamakatsu a dépensé beaucoup d’argent dans ses designs et ses fabrications pour arriver à la formule correcte. Par-dessus le marché, lorsqu’elles sont utilisées avec la ligne adaptée, ce sont de très bonnes lanceuses. Donc, ce ne sont pas des instruments mal dégrossis (et oui, elles sont très chères).
Zen Fly Fishing
Il serait difficile de passer sous silence les difficultés qui se présentent aux femmes dans l’industrie de la pêche à la mouche (de la même déprimante manière que dans les principaux secteurs de la société). Alors, pour Karin Miller, amener sa société aux sommets est un exploit remarquable. Ceci se fait au détriment de l’appréciation et de la reconnaissance des techniques et cultures de la communauté japonaise du Tenkara. Il faut cependant noter que ce n’est pas différent de la démarche de Tenkara Rod Co. Ou encore celle de TFO/Patagonia.
Par conséquent, en restant aussi objectifs que possible en omettant les biais liés au genre (positifs ou négatifs), je loue la compagnie Zen Fly Fishing pour réussir à obtenir les mandrins de carbone pour produire des blanks de Tenkara aux USA, mais je n’apprécie pas à titre personnel les « tours de cirque » et les vibes sensationnelles autour des requins et autres bonefish pris sur des cannes à lignes fixées. D’autres le peuvent très bien, et représenteront certainement la base des clients de Zen. Je ne suis pas sûr de là où cela laisse le Tenkara « ensemble de techniques » plutôt que le Tenkara « style de pêche en ligne fixée ».
Heureusement dans l’avenir il y aura toujours de la place pour les deux (Tenkara ET pêche en ligne fixée) – pourtant cela aiderait probablement les nouveaux venus d’être au courant des différences (spécialement s’ils sont plus attirés par un aspect que par l’autre). Le Tenkara et ce que nous pourrions donc appeler « pêche à la mouche à la ligne fixée » sont probablement dans une période d’«étrange adolescence » dans l’Ouest en ce moment. Cela prendra surement un certain temps avant que leurs identités et leurs assurances se solidifient.
Oni Rods (Types I, II and III)
Excellent équilibre, souplesse en courbe ultra-régulière (mais pas aussi souples que les Shimano ou Tenryu), lanceuses de lignes légères avec grande précision et sensibilité. Ces cannes correspondent très bien avec le style de lancer de haut niveau de Masami Sakakibara (Alias Tenkara no Oni (le démon/ogre du Tenkara). Comme avec n’importe quelle canne hautement spécifique ultra-légère en graphite, il est préférable de bien protéger les fines parois de carbone du blank contre les heurts accidentels.
Nous ne sommes clairement pas les personnalités favorites de Coco et Masami Sakakibara. Alors, j’espère que le fait que je puisse objectivement complimenter les cannes qu’ils produisent pourra vous donner confiance dans le reste de ces revues critiques. J’irai même plus loin en suggérant que tous les pêcheurs de Tenkara sérieux devraient envisager de posséder une canne Oni I, II, ou III à un moment ou un autre, elles sont vraiment très bonnes dans ce qu’elles font. En même temps, il est important de comprendre que chaque canne premium de Tenkara représente un ensemble unique de compromis choisis.
Il n’existe pas de canne « parfaite » pour le Tenkara – mais il y a certaines cannes qui arrivent à s’approcher de très près de la perfection pour des applications spécifiques. Chaque application vient avec son propre cortège de compromis particulier. Puissance contre masse, lancer contre travail du poisson, longueur contre équilibre sont autant d’exemples de compromis que chaque canne doit gérer. Et n’oubliez pas que ces compromis interagissent les uns avec les autres.
Un dernier point… Je ne peux pas parler des cannes Oni Zerosum Honryu, car je ne les ai jamais vues que repliées, et je n’ai jamais pêché avec. Mais pour les lignes légères (la type II peut être utilisée avec des lignes un peu plus lourdes, – peut-être une taille #4 de ligne fluorocarbone), un bon équilibre et une excellente expérience de lancer – les Oni type I, II, et III valent clairement le coup.
Badger Tenkara
Matt Sment et Mike Lutes ont monté Badger Tenkara en 2014, avec l’intention de répandre et promouvoir une expérience positive de la pêche avec des cannes de style Tenkara aux USA. Maintenant, la meilleure chose que je puisse faire est de reproduire l’énoncé de leurs buts depuis le site web de Badger ! Il semblerait que la clarté des propos qu’on est en droit d’attendre d’un ex-parachutiste de l’armée américaine comme Matt se soit reportée dans le business de Badger. Mais, plutôt que de copier l’intégralité, cette paire d’extraits vous dira l’essentiel de ce que vous devez savoir :
« Nous encourageons ceux qui pêchent à haute dose les torrents de montagne à utiliser les cannes Badger avec les techniques traditionnelles japonaises s’ils le veulent. Nous encourageons ceux qui pêchent d’autres types d’eaux à utiliser les cannes Badger en utilisant les techniques les mieux adaptées à leur environnement. Ce qui compte pour nous, c’est que vous utilisiez le matériel de Tenkara, et le plus important est que vous y preniez du plaisir.
C’est relativement différent des positions très clivantes comme « RAF le Tenkara japonais » ou « Si ce n’est pas du Tenkara japonais pur, allez voir ailleurs » de la plupart des marques. Celle-ci laisse la place pour l’intérêt porté au Tenkara, et au développement des diverses techniques de pêche à la mouche s’y référant, et cela vaut clairement la peine d’être notifié.
Je vous donne les caractéristiques des cannes (et je sais que ces gars sont activement à l’écoute de ce que la communauté peut chercher comme nouveaux modèles).
« Nos cannes sont conçues pour être vendues à un prix raisonnable, et assurer une performance standard qui attirera un large panel de clients, incluant les novices et les utilisateurs occasionnels… Nos cannes sont un peu plus lourdes que d’autres, parce que nous les faisons aussi solides que possible. Les profils de courbures sont faciles à contrôler pour n’importe quel pêcheur qui les prendrait, et s’adaptent à n’importe quel montage ».
Ça me semble tout à fait honnête.
Tanuki
Luong Tam a un passé d’ingénieur avec un esprit d’entreprenariat (incluant un travail sur le développement de l’architecture des CD-Rom dans le passé). Originaire du Viet-Nam, Luong a créé la marque « Tanuki » avec une certaine malice et pas mal d’amusement. Luong est renommé pour ses blanks colorés et des lignes de cannes avec des poignées en édition spéciales. Je n’ai utilisé que les cannes Tanuki 375 et 425 (en noir) et celles que j’ai achetées étaient bien conçues (la 425 a besoin de lignes lourdes pour exploiter tout son potentiel). Même s’il y a un aspect de cirque et de boniments autour de son marketing, les produits eux-mêmes viennent des gammes de cannes chinoises de haute qualité.
Ce qui est le plus important, c’est à quel point un fabricant de canne connait la pêche et les techniques pour lesquelles les cannes seront utilisées. C’est une condition essentielle, depuis les experts, créateurs de cannes wazao en bambou, jusqu’aux fabricants japonaises de cannes modernes en graphite. Savoir par où commencer, ce qu’on recherche, et aussi (essentiellement) avoir gravé profondément dans la mémoire musculaire les techniques de lancer et de pêche. Sans cela, vous devez vous en remettre à l’étape délicate d’interprétation des retours des clients et des testeurs sélectionnés (et comment prendre la meilleure combinaison de facteurs à intégrer dans une canne).
A travers les échanges et les discussions en ligne, vous pourrez remarquer que Luong a un travail sérieux à faire sur le côté technique de la pêche. Principalement à cause de cela, il y a un écart assez net de performances lorsque vous comparez ces cannes à une canne japonaise correcte. Je soupçonne qu’il y a aussi une plus grande part de chance entre les succès et les échecs pour la même raison. Bien sûr, il faut accepter qu’on apprenne tous avec le temps.
Nissin
Probablement la plus large gamme de cannes de Tenkara disponible. C’est la première canne japonaise que nous ayons testée, JP et moi (après avoir commencé avec les cannes TUSA), via la Nissin Fujiryu, et ensuite les modèles Prospec 2. Même leurs modèles de milieu de gamme montrent un grand écart de performance et d’équilibre par rapport aux blanks conçus dans l’Ouest. Bien que cela ne soit pas anecdotique, ce n’est pas seulement la grande qualité des fibres de carbone produites au Japon qui fait la différence pour les producteurs comme Nissin. Il est possible (et même assez courant) d’acheter des nappes de fibres de carbone au Japon et les utiliser pour fabriquer des cannes en Chine.
C’est plutôt la quasi « expertise en vins » des fabricants japonais qui leur permet de savoir lesquels, du petit nombre d’experts en production de fibres de carbone, fabrique les blanks spécifiques d’un simple coup d’œil. De nouveau, un peu comme Tenkara Bum, Nissin a une gamme si vaste qu’il est très difficile de souligner un style en particulier qui réunisse toutes leurs cannes. Ils produisent des cannes à tous les prix, et celles que j’ai essayées se comparent sans difficultés avec d’autres cannes de même valeurs. Leur gamme est si étoffée, cependant, que je ne vais pas essayer de tester tous leurs modèles (ceci inclut également leurs modèles aux prix les plus bas).
Marques manquantes & Patagonia
Concernant les autres marques que je n’ai pas encore évoquées, je n’ai pas assez d’expérience avec elles, comme Dragontail ou encore Daïwa (au dela de leurs version « zoom » de 4m à 4,5 m, qui est une bonne canne). Pour quelques autres, leurs caractéristiques sont en fait déjà évoquées par d’autres marques citées car elles partagent la même usine de fabrication. Par contre, je ferai une exception pour les cannes de Patagonia vendues comme des cannes de Tenkara, qui ont été redessinées pour être capables de lancer à la fois une soie flottante et une ligne fixe. C’est une arme à double tranchant.
D’un côté, la recherche dominante de leur marque mettra inévitablement plus de monde en contact avec le mot « Tenkara ». D’un autre côté, l’expérience qu’auront ces nouveaux-venus annule immédiatement la partie la plus efficace et amusante du Tenkara. Le mode d’emploi fourni est aussi une médiocre introduction aux techniques de l’Ouest qu’il met en avant (et il ne montre aucune connaissance des techniques du Tenkara).
C’est une honte, parce que beaucoup d’autres pratiques et choix de business de Patagonia semblent vraiment nobles et empreints de justice sociale. Ne vous méprenez pas, ce n’est pas particulièrement à cause de la canne – c’est comment elle a été conçue pour être utilisée. Je suis le premier à vous dire que vous pouvez très bien pêcher avec des tactiques « Tenkara » avec une canne et un moulinet si vous connaissez les principes des techniques japonaises – En voici un exemple : https://www.discovertenkara.com/blog/fly-choice-in-focus-lesson-1/.
Anatomie d’une canne Tenkara
Comme la plupart des cannes modernes japonaises de « ligne fixée » (comprendre « sans moulinet »), les cannes de Tenkara n’ont pas d’anneaux, et sont faites pour être soigneusement repliables. Leur design télescopique les rend très facilement transportables, et chaque canne se réduit ni plus ni moins à 5 composants (peut-être 6 dans le cas d’une canne « zoom » qui peut se bloquer à différentes longueurs en fonction de la pêche). Les éléments basiques sont :
- Bouchon à vis pour le talon de la poignée (ça peut être bien d’avoir un trou de drainage !)
- Poignée (typiquement en liège ou en EVA à haute densité)
- Blank
- “Lillian” (cordon pour attacher la ligne mère de lancer au scion – parfois appelée « hebi-kuchi » (languee de serpent) en japonais parce que ça ressemble un peu à une langue de serpent)
- Bouchon (pour éviter que les sections glissent en dehors de la canne quand vous ne pêchez pas)
Bien que ces composants soient minimaux et simples en apparence, il est important de connaître quelques-uns des détails qui peuvent faire une grande différence dans les performances et le ressenti d’une canne. Bien sûr, le bouchon se comprends tout seul (c’est simplement un capot à l’extrémité ouverte du blank – bien que vous puissiez en trouver des versions « universelles » qui s’attachent à l’extérieur de votre canne si vous perdez le bouchon original). Les autres parties méritent un peu plus de détails:
Blanks
En premier lieu, le blank est, bien entendu, l’élément fondamental du ressenti et du fonctionnement d’une canne. Vous ne pourrez jamais transformer un mauvais blank en bonne canne. En guise de check-list pour la qualité de fabrication, vous pouvez regarder notre set of diagnostics for rod blanks by Clicking this Link.
Bien que cela soit totalement en dehors du cadre de cet article (et que ça atteigne les limites de mes connaissances) de faire un examen complet de la science des matériaux des fibres de carbone d’un blank de canne, il est utile d’en savoir un minimum. Premièrement, les « modules » souvent cités des cannes en carbone se réfèrent aux modules de Young, et décrivent en gros comment un matériau se courbe en fonction de la force que vous lui appliquez. Dans sa définition formelle, le module de Young est égal à la Contrainte (la quantité de force appliquée) divisée par la Déformation (comment le matériau se déforme sous cette force).
L’avantage de la fibre de carbone (lorsqu’elle est stabilisée dans de la résine époxy) est qu’elle peut être exceptionnellement raide comparativement à sa masse. Plus le module est grand, plus le matériau est raide. MAIS – il serait faux de dire que les plus hauts modules sont universellement meilleurs. Plus vous augmentez le module, plus vous rendez le matériau cassant. En second lieu, et en revenant directement aux huit différentes espèce de bambou du wazao, il y a des avantages certains à contrôler la flexibilité des différentes parties de la canne (tant en conicité qu’en résistance des matériaux).
Par une sélection soigneuse des résines de collage, les traitements de chaleur et de pression, les arrangements des motifs de tissage des fibres (et l’inclusion de matériaux additionnels comme de la fibre de verre), les experts fabricants de canne peuvent sélectionner les combinaisons idéales de légèreté, résistance, et flexibilité pour chaque section de leur blank de canne. Combiné avec la conicité, c’est ce qui détermine les caractéristiques de pêche et de lancer de chaque blank.
Un point important – comparé à beaucoup d’autres application, le « module » des blanks en fibre de carbone, tant de cannes à mouches standard que des cannes de Tenkara ne serait pas normalement classé dans les « hauts modules », car un « vrai » haut module aurait alors les mauvaises caractéristiques techniques ! Mais vous pouvez facilement vous imaginer l’attrait marketing d’être en position de dire que vos cannes sont de « haut » module (ou même « de plus haut module que nos concurrents). Faites attention au boniment, c’est très difficile de trier les informations techniques authentiquement utiles !
Avant un éventuel laquage (si la canne a une telle finition), certains blanks seront poncés sur leur face externe pour tenter d’égaliser les éventuels défauts de surface. Suivant la façon dont c’est réalisé, il est possible d’introduire accidentellement des faiblesses invisibles dans le blank. Certains fabricants vont produire des blanks plus épais pour permettre le ponçage, et une apparence plus uniforme de la canne finie. A contrario, avoir un blank « naturel » ou non poncé est extrêmement révélateur en terme de qualité et de cohérence de fabrication.
En conclusion, vous payez plus cher pour la meilleure qualité de construction et de finition pour produire des blanks plus légers et plus fins, sans incohérences et points faibles. L’importance de cette légèreté avec le juste degré de raideur est plus important pour des cannes qui sont :
- Plus longues que la plupart des cannes à mouches standard.
- Utilisées sans un moulinet qui décale le centre de gravité vers le talon de la canne.
Le dernier point que je voudrais noter à propos des blanks de Tenkara est que les scions peuvent être fait de diverses manières. Ils sont parfois pleins, et parfois creux – en fonction de la flexibilité demandée. Il y a aussi des gammes de diamètres typiques pour les cannes japonaises (contrairement aux cannes pour les micro-espèces par exemple). Une des premières questions au-delà des caractéristiques de flexibilité que des personnes très axées sur les détails comme Kura-san poseront sera de connaître le diamètre du scion en millimètres. Parfois cela aide à placer la canne dans un certain contexte. Par exemple, la fameuse « Rinfu » a un scion extrêmement fin selon les standards de la majorité des cannes de Tenkara (particulièrement les cannes dépassant les 4 mètres)
L’importance majeure des poignées
La totalité de la poignée (y compris le bouchon) d’une canne de Tenkara a une bien plus grande influence sur l’expérience qu’on a de la canne entière que vous ne pourriez l’imaginer. Bien sûr, le poids combiné de la canne assemblée et de son bouchon influence le centre de gravité (plus d’informations à ce sujet dans la prochaine section). Mais par-dessus tout, la combinaison de la densité, la texture, et la raideur de l’ensemble de la poignée est absolument critique. Une leçon que les pêcheurs de Tenkara qui aiment expérimenter et qui ont essayé des cannes de différentes pêches japonaises en ligne fixée est que l’on peut ruiner un excellent blank en y installant une mauvaise poignée. Il vaut mieux y penser… Vous pouvez avoir le meilleur blank de Tenkara du monde et le gâcher en y fixant une poignée inadaptée.
Une autre chose que nous avons appris lorsque nous avons testé la Karasu est la grande différence en résonnance et en sensitivité entre le liège et l’EVA à haute densité. C’est incroyable comme avec un blank réactif le feedback est mieux transmis jusqu’à nos mains par un EVA de bonne qualité. En fait, beaucoup de nos clients ont été étonnés, en cherchant un « joint qui cliquette » sur la canne, de découvrir qu’ils sentaient le mou dans le lilian lorsque leur ligne faisait une boucle serrée pendant leur lancer (ou même le lilian touchant doucement le scion de temps en temps).
Lillian
Il n’y a pas grand-chose à savoir à propos du lilian à part l’affaire mignonette de la langue de serpent / hebikuchi, sauf peut-être que ce nom étrange (pour une langue qui n’a pas le son « L ») est supposé venir de « Lily-yarn », un produit breveté à Kyoto en 1923 (hebikuchi et Lily-yarn sont mentionnés tous les deux dans le livre de Kevin Kelleher « Tenkara, une pêche à la mouche radicalement simple et légère).
Pour des raisons pratiques, pour les cannes qui ont des scions assez fins pour passer dans le creux central des tresses, il est important que les diamètres soient vraiment proches. Quand les tresses sont scellées à chaud sur les scions, il faut que les différents éléments puissent encore rentrer les uns dans les autres pour le nettoyage et le séchage. Pour attacher les boucles de raccord par des nœuds-coulants ou des raccords boucle dans boucle, il faudra aussi utiliser une demi-clé d’arrêt à la fin du lilian. Sinon, votre tresse pourrait glisser lorsque vous ferrez un poisson ! D’une autre manière, si vous utilisiez un nœud coulant sur votre ligne parallèle, vous pourriez passer deux fois le lilian à l’intérieur sans avoir besoin de demi-clé d’arrêt.
Les cannes de Tenkara sont conçues pour lancer des lignes beaucoup plus légères que des soies – et leur ajouter même les plus légers des anneaux change complètement leur action de lancer. Elles vont s’affaisser très nettement et la vitesse de retour à la position horizontale va chuter à un taux très significatif (je connais des gens qui l’ont essayé). Donc, quand vous avez une canne très sensible et finement équilibrée, qui est capable de lancer des lignes qui sont considérées comme légères même selon les standards du Tenkara, pourquoi voudriez-vous leur coller un émerillon métallique au bout du scion ? Ça atténue le retour du scion, et les vrillages n’existent pas pendant les lancers et la pêche de n’importe quelle manière. Je ne suis donc pas un fan des lilian qui ont un émerillon attaché de façon permanente.
Guide des actions des cannes de Tenkara
La « puissance » des cannes est très différente de « l’action » des cannes – mais les deux sont souvent confondues par les fabricants et les clients. L’action des cannes indique où la courbe des blanks commence, et est définie par les japonais comme une proportion. Le meilleur moyen de la comprendre est de regarder un diagramme, montrant quelques actions les plus communes.
La majorité des cannes de Tenkara ont des actions évaluées entre 5:5 et 7:3. Il y a quelques exemples assez rares d’actions de type 8:2 – la majeure partie de la courbure étant supposée démarrer dans les 20% de la zone du scion. Mais l’essentiel du message est que vous avez des cannes qui ne nécessitent que très peu de force (ou vraiment beaucoup de force) pour les courber… L’action ne vous dit rien à propos de cette force. L’action vous dit simplement quelle forme prend la canne lorsque vous la courbez.
Au contraire, vous auriez besoin de quelque chose comme le système des « cents communs » pour vous en dire un peu plus au sujet de la force à déployer pour courber une canne. Développé et popularisé par un chimiste et gemmologue retraité, le Dr W.William Hannemann http://www.common-cents.info/part1.pdf, il donne un début de standardisation à la rigidité d’une canne. Le résultat le plus utile des tests de Hanneman est celui du test du nombre de « cents », indiquant la rigidité relative d’une canne, ou ce que l’on pourrait appeler sa « puissance ». Le test démarre avec la canne fixée à l’horizontale par la poignée, c’est le décompte du nombre de « cents » (pièces d’un cent de dollar d’après 1966) nécessaires pour courber la canne sur un tiers de sa longueur totale. Il est, là aussi, plus simple de comprendre en regardant un diagramme.
Bien que chaque aspect de ce qui vous plait dans une canne soit hautement subjectif; la combinaison de l’action d’une canne et son taux de cents peut au moins vous donner un point de départ. Des évaluateurs comme le prolifique Tom Davis de Teton Tenkara ont amassé un très intéressant et très utile ensemble de mesures (incluant les test des cents) pour un grand nombre de cannes de Tenkara. Ce qui m’amène à…
Orientation pour les tests de cannes / aide pour interpréter les tests
Là encore, si vous voulez pratiquer vos propres tests par vous-même, notre guide gratuit est téléchargeable sur le lien suivant: https://gumroad.com/products/rHqE (inscrivez juste « 0 » dans la case « prix » et cliquez sur « je veux ça ». Mais le plus souvent, vous serez amenés à lire des informations rassemblées par quelqu’un d’autre, sur la canne qui vous intéresse. Soyons clairs : il est assez évident qu’il n’y a pas vraiment de meilleur moyen que de tenir la canne en question et de pêcher avec.
Ceci étant dit, à notre époque de shopping en ligne, vous avez intérêt à être un bon détective et compter sur votre chance. Nous avons déjà parlé des actions et raideur des cannes, et la meilleure chose que vous puissiez faire est de les comparer à celles des cannes que vous possédez déjà. Ceci vous aidera à vous faire un benchmark de référence pour les autres cannes qui sont testées – mais vous n’aurez pas la chance de les essayer.
Voilà ce qui me semble le plus intéressant…
Il y a de nombreuses tentatives pour standardiser ce qu’est l’équilibre d’une canne et la masse perçue en action de pêche. L’une des plus intéressante est le « moment » de la canne, qui est calculé en mesurant la distance entre l’extrémité du talon et le centre de gravité, et en la multipliant par la masse totale de la canne. Gamakatsu utilise ce nombre pour ses cannes. Là encore, merci au champion des détectives David Walker pour avoir remarqué que Gamakatsu utilisait cette pratique.
Le Moment de Canne est différent des calculs physiques de « moment d’inertie » – qui donne un ressenti de l’effort nécessaire pour faire pivoter la canne sur son axe le plus long (et dont nous n’avons pas besoin de parler plus longtemps, parce que ça n’ajoute que de la confusion au problème). A l’inverse, il est plus utile de dire que le « Moment de canne » évoque l’effort nécessaire pour mettre une canne en action de lancer.
Mais même le Moment de canne calculé par Gamakatsu est difficile à retranscrire en ressenti dans l’action de pêche. En effet, le lancer se reproduit souvent, mais ne dure qu’une fraction de seconde… Là où, même en pratiquant des dérives de 3 ou 4 secondes, l’action de la dérive elle-même occupe plus de temps de votre journée de pêche. En fait, par définition, la position de « pêche en dérive » intervient aussi souvent que le lancer – mais elle dure simplement plus longtemps !
La question qui est peut-être la plus importante est celle du centre de gravité et la sensation de poids en retour. Ce que je veux dire est que si vous utilisez une poignée plus lourde (comme Shigeo Yamada et les shokuryoshi old-school) pour contrebalancer le poids de la canne, le Moment de canne sera inutile. Bien que l’effet de contrepoids réduise la distance du talon au centre de gravité, l’augmentation de la masse totale maintiendra le nombre du moment de canne similaire au nombre de départ (bien que le calcul soit compliqué par le fait que la masse est une fonction cubique et la longueur est… et bien, linéaire).
Avoir une masse plus lourde pour lancer devrait faire produire plus d’efforts, et plus fatiguer, mais en pratique, on s’aperçoit souvent que ce n’est pas du tout le cas. A titre d’exemple, une des cannes avec lesquelles nous travaillons auparavant, la hakusan (une canne zoom), qui était relativement plus lourde que la canne TUSA Sato (une autre canne zoom). Mais la poignée plus longue, et plus lourde – ainsi que le fuseau du blank – rendaient la Hakusan plus légère au moment du lancer. Curieux !
Mais même cela n’est pas la fin de l’histoire. Par exemple, l’action de lancer n’est pas simplement « balancer » (faire pivoter le long d’un arc) une canne complètement rigide. Au contraire, le lancer met en jeu une courbure dans une canne flexible qui va ensuite la « récupérer ». Donc la quantité d’efforts mise en jeu et la distance du mouvement requises pour produire cette courbure – ou « charge » de la canne – va varier avec son profil de courbure et avec son Moment de canne, ainsi que sa masse totale. Votre capacité à charger la canne en utilisant l’inertie de la ligne de lancer est différente de celle des autres pêcheurs, notamment en fonction de votre technique. Plus l’action de la canne est « lente » (par exemple, une full-flex type 5:5), plus le blank se déplacera dans l’espace – et plus le blank sera sollicité dans ce processus de flexion-extension.
D’un autre côté, pour une canne mise en jeu plus facilement, cet arc/distance de déplacement de la canne sera plus faible – mais en fonction du « taux de cents », elle paraitra plus ou moins subtile et réactive à la ligne de lancer (qui sera légère ou lourde, en fonction de la raideur de la canne…) En gros, l’action et la puissance – combinée à la longueur générale de la canne – introduit plusieurs variables dont non seulement votre capacité à lancer, mais aussi celle du testeur de la canne. Parvenir et rester au top du lancer et des techniques de pêche de Tenkara est incroyablement éprouvant !
Dans le Tenkara moderne, il y a un mouvement vers des techniques beaucoup plus évoluées lorsqu’il s’agit de pêche dans des rivières qui subissent une pression de pêche très importante (la solution alternative étant d’apprendre à randonner et escalader pendant des jours des contrées sauvages, en vivant sur le terrain pour trouver des torrents moins pêchés). En conséquence, la pression pour trouver des cannes capables de performances exceptionnelles avec des lignes toujours plus légères est INTENSE. Et les pêcheurs de catch and release hautement techniques tendent à choisir des cannes qui se rapprochent de ces caractéristiques. C’est un contraste important avec les cannes plus raides des Shokuryoshi professionnels. Ces cannes sont souvent conçues pour un rapide « catch and kill » dans des arrière-pays lointains (ou les poissons n’ont pas de multiples opportunités pour affiner leurs réponses instinctives aux pêcheurs et à leurs mouches)
En sachant tout cela, et au-delà de ce qui peut être mesuré selon certains standards, et reproduits par des tableaux et des données chiffrées, la chose probablement la plus importante est purement qualitative, et c’est la description de comment on la SENT. Les testeurs de canne méritent toute notre gratitude en tant que membres de la communauté Tenkara. Ce que nous leur demandons est impossible. Nous voulons savoir ce que nous ressentirons et comment telle ou telle canne s’adaptera ou pas à nos propres compétences et notre biomécanique.
Comme nous devenons tous de plus en plus expérimentés et instruits en techniques de Tenkara, ceci ne peut qu’aider à la collaboration entre acheteurs et testeurs.
Je pense que le futur est très prometteur.
Paul
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